Attention, obstacle au déroulement des étapes vitales !

Par définition, les migrateurs se déplacent. Leurs déplacements entre l'océan et l'eau douce constituent des étapes vitales pour réaliser l'ensemble de leur cycle biologique et ainsi assurer leur survie.

Les migrateurs amphihalins parcourent des milliers de kilomètres à travers les océans. Les anguilles d'Europe naissent toutes en mer des Sargasses au Sud de la Floride. Les saumons atlantiques migrent vers le Nord pour chercher de la nourriture jusqu'aux îles Féroé ou au Groënland. Quant aux aloses et aux lamproies, on connaît moins précisément leurs déplacements ; on sait cependant qu'elles vivent entre le Nord de l'Angleterre et le Nord du Maroc.

En eau douce, les distances parcourues sont moindres. Sur les plus grands fleuves européens, elles atteignent quelques milliers de kilomètres (la Volga et le Danube mesurent respectivement 3 700 et 3 019 km). En France, la Loire est le plus long fleuve (1 013 km). Le front de colonisation des jeunes anguilles (longueur < 30 cm) se situe à 240 km de la mer (tableau de bord anguille du bassin Loire).

En Bretagne, le plus long fleuve est la Vilaine. Certaines anguilles parviennent à Vitré après avoir parcouru plus de 200 km depuis le barrage  d'Arzal et franchi plus de 30 obstacles !

Des obstacles physiques notamment s'opposent au bon déroulement des étapes vitales du cycle de vie des migrateurs amphihalins.Tout obstacle constitue a minima un frein, sinon le blocage total vers l'amont diminuant alors les surfaces de reproduction ou croissance.

La restauration de la libre circulation est prise en charge par de nombreux acteurs du domaine de l'eau en application de la règlementation qui vise à reconquérir le bon état écologique des eaux.

Les objectifs de restauration de la libre circulation des migrateurs s'appuient sur :

  • Le règlement européen sur l'anguille qui a défini une zone où les obstacles doivent être aménagés en priorité (ZAP Anguille)
  • Le classement des cours d'eau au titre de l'article L.214-17 du Code de l'environnement institué par la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques

Evaluer la franchissabilité

Tous les migrateurs ne sont pas des athlètes de haut niveau !

Selon l'espèce, l'âge du poisson ou son état de santé, tous les migrateurs ne franchissent pas les obstacles de la même façon. Certains d'ailleurs se cassent le nez et n'y parviennent pas.

Les poissons migrateurs ne franchissent pas les obstacles de la même façon :

  • En plus de savoir nager, les anguilles sont capables de ramper
  • La silhouette atlhétique du saumon fait de lui un très bon nageur apte au saut
  • Bonnes nageuses mais inaptes au saut, les aloses franchissent très peu d'obstacles
  • Faute de nageoires et d'une musculature adaptée, les lamproies mairnes ne sont ni bonnes nageuses ni apte au saut. En revanche, elle arrivent à franchir des obstacles grâce à leur comportement de burst and attach (alternance de nage en vitesse de sprint et de fixation au substrat grâce à leur disque buccal).

Dans tous les cas, quelle que soit sa hauteur, tout obstacle en travers du lit des cours d'eau est un frein dans la migration. Même s'il n'est pas totalement infranchissable, un barrage à franchir est une difficulté dans le parcours. Il occasionne une fatigue et/ou des blessures qui peuvent être fatales lorsqu'elles se multiplient. De plus, un barrage conduit parfois à une reproduction forcée dont la réussite est faible.

Informations sur la continuité (ICE)

L'Office français de la biodiversité a développé un outil permettant de diagnostiquer et quantifier les impacts des ouvrages hydrauliques sur les poissons : le protocole ICE (Informations sur la continuité écologique). Ce protocole permet de diagnostiquer de manière simple et objective le risque d'entrave au déplacement des poissons en montaison, généré par les principaux types d'obstacles physiques à l'écoulement et poues les espèces communes des cours d'eau en France. 

Il repose sur la confrontation des caractéristiques typologiques, géométriques et hydrauliques des obstacles avec les capacités physiques de déplacement des espèces piscicoles considérées. Le protocole ICE est une méthodologie nationale standardisée à destination des acteurs de l'environnement et de l'aménagement du territoire, des scientifiques, des bureaux d'études, des enseignants et de tout public intéressé.

En savoir plus sur le protocole ICE

Restaurer la circulation des poissons migrateurs : quelles solutions ?

Le propriétaire est le premier concerné puisqu'il a le devoir d'assurer la libre circulation des poissons migrateurs au niveau de son ouvrage sur les cours d'eau classés en liste 2. Mais la restauration de la continuité piscicole fait appel a de nombreux acteurs aussi bien en tant que maître d'ouvrage que partenaires techniques, financiers ou administratifs.

Plusieurs solutions existent pour réduire voire annuler les impacts négatifs des obstacles sur la migration des poissons migrateurs...

Un enjeu majeur : le rétablissement de la continuité écologique

Aucune solution n'est définie à l'avance. Elle doit apporter le meilleur gain écologique tout en tenant compte de l'intérêt et des usages liés à l'ouvrage.

 RETABLIE
FLECHE

Effacer des obstacles

Solution la plus efficace, la plus pérenne et la moins coûteuse, l’effacement rétablit la circulation des poissons et recrée des zones courantes, favorables à leur croissance et à leur reproduction.

schéma effacement AFB

Illustration : Effets de l'effacement d'un ouvrage sur le cours d'eau (AFB)

 

Abaisser des obstacles

La réduction de la hauteur de chute ou la création d’une brèche localisée est une solution alternative à l’effacement pour conserver les intérêts associés à l’ouvrage. 

Créer une rivière de contournement

Le principe consiste à relier l’aval de l’amont grâce à un cours d’eau artificiel contournant l’obstacle à franchir. La rivière de contournement restitue le plus fidèlement possible les caractéristiques d’un cours d’eau naturel.

schéma riviere de contournement imagic BGM

Illustration : schéma de principe d'une rivière de contournement (IMAGIC pour BGM)

Ouvrir les vannes

L’ouverture des vannes de manière permanente ou temporaire - si elle est couplée à une passe à poissons - est une solution intermédiaire intéressante lorsque l’ouvrage a un fort intérêt paysager ou patrimonial.

Installer des passes à poissons

Le principe consiste à attirer les poissons pour les inciter à passer de l’autre côté par une voie d’eau artificielle. Les conditions de courant dans les passes doivent être compatibles avec les capacités de nage et de saut des différentes espèces de poissons migrateurs. La passe à poissons ne constitue qu'une solution partielle car elle ne permet pas le franchissement de 100% des poissons.

schéma pap imagic BGM

Illustration : schéma de principe d'un dispositif de franchissement (IMAGIC pour BGM)

AMELIOREE

Les obstacles doivent également permetrre la circulation des poissons lors de leur descente vers la mer :

  • Des aménagements sont conçus pour empêcher les poissons d'accéder aux turbines des centrales hydroélectriques (grille),
  • L'installation de turbines ichtyophiles minimise les mortalités et blessures des poissons lors de leur passage dans ce type d'équipement.

Entretenir et évaluer la fonctionnalité des passes à poissons

La prise de conscience des années 80, s’est traduite par la loi pêche de 1984 qui a imposé la libre circulation piscicole au niveau des ouvrages existants sur les cours d’eau classés au L432-6 du code de l’environnement. Ainsi, d’importants efforts ont été réalisés afin de répondre aux objectifs fixés puisqu’en une vingtaine d’années, près de 450 dispositifs de franchissement ont été construits en Bretagne (on recense en 2014, 3421 obstacles) : des passes à poissons telles que des passes à bassins et à ralentisseurs ou des ouvrages de franchissement telles que des rivières de contournement ou passes rustiques.

Dans le contexte du classement en liste 2 du L214.17, entretenir les passes à poissons et s’assurer de l’efficacité des dispositifs des franchissement sont nécessaires.

L'entretien des passes à poissons

Le propriétaire d'un ouvrage est juridiquement responsable du bon fonctionnement des ouvrages et de la passe à poissons et est l'unique gestionnaire de son ouvrage.

Les défauts d’entretien ou de dimensionnement peuvent compromettre la fonctionnalité des passes à poissons occasionnant un risque pour le poisson de ne pas trouver l’entrée, de franchir l’obstacle avec du retard et/ou du stress ou des blessures qui peuvent être préjudiciables pour la reproduction du poisson.

La bonne fonctionnalité des passes à poissons consiste à :

  • Vérifier l'intégrité physique de l'ouvrage - Vérifier le bon état des maçonneries et l'absence de fuites et retrait régulier de tout corps étranger suceptible de perturber le bon écoulement de l'eau dans le dispositif : amas de branchages ou feuilles obstruant l'entrée, les fentes, les échancrures ou les orifices ainsi que les espaces entre les ralentisseurs et dépôt significatifs d'alluvions (sables, graviers, cailloux) au niveau de la prise d'eau, de la sorite de passe ou dans les différents bassins.

Ces vérifications doivent se faire très régulièrement lors des périodes de migrations des poissons et impérativement après chaque variation significative de début de la rivière (coup d'eau).

  • Préserver le fonctionnement hydraulique - Surveiller régulièrement les conditions d'écoulement en sortie d'ouvrage (zone d'entrée pour les poissons). le jet doit rester horizontal et dans l'axe de l'ouvrage. La passe à poissons doit être alimentée en eau. Vous ne devez jamais placer de batardeau ou de planche, ni obtruer la prise d'eau sauf pour les opérations d'entretien si nécessaire.

L'évaluation de l'efficacité des passes à poissons

En Bretagne, aucune évaluation globale de l’efficacité des programmes de restauration mis en œuvre par la construction de passes à poissons n’a été menée. Bretagne Grands Migrateurs a lancé en 2013, un travail d'évaluation de l’état et de la fonctionnalité des passes à poissons des cours d’eau bretons.

Le nombre de dispositifs de franchissement étant élevé (près de 450 dispositifs de franchissement recensés sur les cours d’eau bretons), le diagnostic s’intéresse à 6 bassins versants : le Couesnon, le Leff, le Queffleuth, la Penzé, le Scorff et l’Arz.

Télécharger le rapport "Evaluation de l'état et de la fonctionnalité des passes à poissons en Bretagne" (Germis G., Arago M.A. et Giret A., 2015, BGM, 48 pages.

Télécharger les fiches de terrain AFB-BGM diagnostic d'entretien et de fonctionnement des passes à poissons (une fiche de terrain adaptée selon le type de passes à poissons : passe à anguilles, passe à ralentisseurs, passe à bassins, passe rustique, échancrure et pré-seuil - format xlsx).


En savoir plus sur la gestion et l'entretien des passes à poissons : 

Cliquer sur l'image pour télécharger le rapport "Evaluation de l'état de fonctionnalité des passes à poissons de Basse-Normandie - Actualisation de la base de données ouvrages de la CATER Basse-Normandie  (Gaberel P., 2005, CATER Basse Normandie)

Télécharger le guide Passes à poissons (Voies navigables de France, 2008)

Cliquer sur l'image pour télécharger le guide de gestion et d'entretien des dispositifs de franchissement des ouvrages hydrauliques pour les poissons migrateurs (Hilaire M., Senecal A., Besse T. et Baisez A., 2014, LOGRAMI)

Télécharger le guide technique Passes à poissons "Naturelles" (GHAAPPE, 2006) Cliquer sur l'image pour télécharger la plaquette de l'Agence de l'eau Adour-Garonne sur l'entretien des passes à poissons

Gérer les ouvrages estuariens

Au niveau de la zone soumise à marée, des ouvrages permettent de gérer l’alimentation de marais salés ou les submersions régulières dans les territoires amont gérés en eau douce. De par leur mode d’utilisation, ils peuvent entraver la libre circulation des jeunes anguilles vers les zones humides côtières qui représentent des territoires d’accueil privilégiés pour l’espèce. Face à la diversité des ouvrages, il est utile de disposer d’une palette de solutions de gestion.

En Bretagne, quelques exemples d'aménagement sur des ouvrages à la mer ont été réalisés.

  • Sur les ouvrages à la mer du Marais de Dol de Bretagne (35)

Le Syndicat des bassins côtiers de Dol de Bretagne (SBCDol) accompagne l’Association des Digues et Marais de Dol pour restaurer la continuité écologique sur les cours d’eau du Marais de Dol, en particulier pour l’anguille.

De février à juin 2017, une première série de tests a été réalisée sur le Guyoult grâce à la pose de petites cales sur les portes à flot situées à l’exutoire du cours d’eau au Vivier sur mer. Ces derniers se sont avérés très concluants puisqu’ils ont démontré une hausse des effectifs d’anguilles pour l’année 2017. Ces tests ont été reconduits en 2018 et 2019 afin de confirmer le rétablissement de la continuité écologique sur le Guyoult.

En 2018, 3 nouveaux cours d’eau - le Canal des Allemands, le Cardequin et la Banche - ont été aménagés par l’Association des Digues et Marais de Dol pour permettre la réalisation de nouveaux tests en 2018 et 2019. Des systèmes de vantelles constitulées dede plaques métalliques cintrées pivotant sur un axe horizontal de dimension 30 x 10 cm ont été installées sur les 3 vannes secteur. Le mécanisme est simple et se constitue d’une vanne guillotine horizontale qui permet trois modes de gestion : fermé, demi-ouvert et ouvert.

Ces expérimentations de 3 ans sont accompagnées d’un suivi des paramètres de conductivité, de température et de niveaux d'eau par le SBCDol. Conjointement, la Fédération de pêche réalise des pêches électriques et autres suivis complémentaires afin de vérifier les effectifs d’anguilles dans ces cours d’eau.

Portes flot Le Vivier

Porte à flot Le Vivier sur le Guyoult - Crédit photo : F. Hyacinthe

vantelle canal des allemands

Vantelle installée sur la vanne secteur du canal des Allemands - Crédit photo : F. Hyacinthe

Pour en savoir plus, consulter le site Internet du Syndicat des Bassins versants côtiers de Dol de Bretagne

  • Sur le clapet à marée du ruisseau de Penmarc'h (29)
ruisseau penmarch

Le Syndicat du SAGE Ouest Cornouaille a réalisé en 2014 un aménagement du clapet à marée pour faciliter la colonisation des anguilles. Le principe consiste à réaliser des ouvertures du clapet jusqu'à 20 cm selon les coefficients de marée à l'aide d'une poulis et d'un ridoir.

Aménagements réalisés sur les clapets à marée du ruisseau Penmarc'h - Source : S. Guichard, Ouesco


En savoir plus sur la gestion des ouvrages :