En 2021, BGM et SEINORMIGR, en collaboration avec le MNHN, le GEOCA et la LPO, ont mené une étude pour estimer l’impact du grand cormoran sur les salmonidés migrateurs sur le Léguer (Bretagne) et l'Arques (Normandie) dans le cadre du programme Interreg France (Manche) Angleterre SAMARCH.
Les trouve-t-on toujours aux mêmes endroits ? Y en a-t-il autant toute l’année ? Les observe-t-on en pêche ? Que consomment-ils ? À quelle fréquence ? Autant de questions qui trouveront une réponse dans le rapport de restitution de l'étude et la synthèse.
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Principaux résultats sur le Léguer
Suivi aux dortoirs
- Des populations de Grand Cormorans présentes et installées, dont la sous-espèce continentale sinensis
- Des effectifs conformes aux observations des années passées
- Une présence continue mais avec des variations saisonnières
- Un âge-ratio très distinct entre rivière (100% immatures) et estuaire (minorité d’immatures)
- Pas d’augmentation visible des effectifs associée à la dévalaison des smolts
- Une prédation facilitée en rivière par les ouvrages ?
Analyse du régime alimentaire
- Régime généraliste du grand cormoran confirmé (jusqu'à 20 espèces de poissons consommés sur le site estuarien)
- Zone d'alimentation à proximité de leur zone de repos : (régime alimentaire très contrasté selon les dortoirs avec une consommation de poissons d’eau douce pour les dortoirs continentaux et des poissons marins pour le dortoir
estuarien)
- Absence de variabilité saisonnière
- forte détection des salmonidés en particulier sur les deux dortoirs continentaux mais très faible présence de cormoraux (1 à 3 individus, maximum de 8 en octobre)
- Il n’a pas été possible de discriminer correctement les truites des saumons consommés par les cormorans
La mise en œuvre de l’étude
L’étude consiste à suivre la distribution spatio-temporelle des Grands Cormorans sur le cours principal du Léguer, de la zone estuarienne à Belle-Isle en Terre.
Il s’agit d’échantillonner des portions de rivière pour estimer les effectifs et l’activité des oiseaux. L’ensemble des données récoltées permettra de quantifier et de qualifier la fréquentation de la rivière selon les zones et la période. Les 4-5 secteurs prospectés seront à définir en collaboration avec les acteurs locaux (Fédérations de pêche, AAPPMA, associations ornithologiques, Bassin Versant du Léguer et les collectivités) à partir des connaissances de terrain et des observations faites les années précédentes de manière à optimiser les sites de prospection en particulier les biefs de moulins et les secteurs de frayères qui sont des zones de concentration de poissons attractives pour les oiseaux.
Il s’agit également de suivre les principaux dortoirs sur la zone échantillonnée afin de mesurer les variations temporelle et saisonnière des effectifs et les coupler aux variations éventuelles du régime alimentaire. Ce suivi permettra de connaître l’évolution numérique des dortoirs de Grand Cormoran mais également les directions de vol du départ (matin) ou des arrivées (soir). Ces suivis seront menés 1 fois par mois tout au long de l’année 2021 avec un suivi accru en période de migration des smolts en mars et avril 2021 (suivis 1 fois par semaine pendant cette période).
Une base de données simplifiée des observations de Grands Cormorans sera construite pour récolter les données passées et de l’année 2021 fournies par les pêcheurs, usagers, guides, professionnels fréquentant le site et de pouvoir orienter les suivis et les opérations ponctuelles (suivis des dortoirs, mises en place de caméras, récolte de restes alimentaires et de pelotes de rejection…). Le GEOCA fournira un tableur simple de saisie qui pourra être diffusé auprès des usagers. Le GEOCA y saisira l’ensemble des données transmises au cours de l’année 2021. A minima, les informations à collecter seront les suivantes : localisation, date,
nombre d’oiseaux, photos… Une fiche à destination des pêcheurs et des usagers du Léguer sur le modèle d’un avis de recherche sera diffusée pour collecter des informations sur les observations de Grands Cormorans précisant le lieu, la date, l’heure, le nombre et le comportement des oiseaux.
Télécharger la fiche de signalement à destination des pêcheurs et des usagers du Léguer
Sur les dortoirs (et si possible sur les zones de reproduction les plus proches et éventuellement sur des zones de concentration le permettant), des ramassages de pelotes de réjection, de restes alimentaires ainsi que de plumes seront opérés dans la mesure du possible et de manière régulière. L’analyse isotopique des plumes sur des jeunes individus permettra de déterminer le régime alimentaire des oiseaux. En outre, un suivi plus général de l’avifaune piscivore permettra d’apporter des informations plus globales sur la prédation sur les poissons notamment les espèces migratrices telles que l’anguille et les aloses. Toutes les espèces piscivores seront donc recensées lors des comptages réalisés (Hérons, aigrettes, grèbes…).
L’analyse des pelotes de réjection basée sur les restes osseux et les otolithes des poissons consommés et celle des plumes pour des mesures de ratios isotopiques seront confiées à un laboratoire du MNHN. L’analyse des pelotes portera sur le régime alimentaire des Grands Cormorans. L’analyse des plumes permettra de mener des analyses isotopiques visant à connaître le régime alimentaire « lissé » (intégration de plusieurs semaines) des Grands Cormorans.
Selon les contraintes techniques rencontrées, ces analyses permettront de connaître la proportion des différents espèces ou groupes d’espèces de poissons consommés (Saumon Atlantique, Truite de mer, Salmonidés, poissons plats, dulcicoles, marins…), leur taille et donc leur stade (juvénile / adulte). Les éléments sur la distribution des oiseaux et la composition des pelotes de réjection ainsi que les analyses isotopiques seront comparés aux données ichtyologiques disponibles (phénologie et distribution des stocks…) afin d’estimer les éventuels impacts des Grands Cormorans sur les salmonidés migrateurs.
En complément, des suivis seront potentiellement effectués en parallèle sur les colonies de reproduction les plus proches (Trébeurden) afin d’évaluer de possibles liens entre ces oiseaux reproducteurs et le site d’étude (pics de prédation, récolte de matériel biologique (plumes, pelotes de réjection…).
Ces analyses couplées à la bibliographie permettront d’obtenir un premier état des lieux, de définir d’éventuelles mesures de gestion ou de préconisation et d’orienter de futures investigations si nécessaires.
Le contexte et les objectifs de l’étude
L’impact des oiseaux piscivores sur les populations de poissons et en particulier celle du Grand Cormoran Phalacrocorax carbo depuis une vingtaine d’années est une préoccupation forte des gestionnaires et des pêcheurs.
Dans le cadre des études de la survie et des déplacements des smolts dans les estuaires et en zones côtières menées dans le cadre du programme SAMARCH, les 1ers résultats provisoires montrent une mortalité de 22,5 % sur des truites de mer adultes par des oiseaux marins. Des mortalités ont également été constatées sur des smolts de salmonidés migrateurs dont les causes sont encore à définir.
Ainsi, BGM, en partenariat avec le Groupe d’études ornithologiques des Côtes d’Armor (GEOCA) et le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), lance une étude visant, d’une part, à mieux connaître l’utilisation de l’estuaire et du cours principal du Léguer par l’avifaune en particulier les grands cormorans et d’autre part, de caractériser le régime alimentaire des oiseaux et la part représentée par les salmonidés migrateurs (Saumon atlantique et Truite de mer) afin de pouvoir estimer les potentiels effets de la prédation des Grands Cormorans.
Le GEOCA apportera un appui technique dans la définition et la mise en œuvre du protocole de suivi auprès de BGM ainsi que sur la récolte de matériel biologique permettant les différentes analyses sur le régime alimentaire. Le MNHN apportera son appui scientifique à l’analyse des données collectées auprès de BGM. Spécialiste de la caractérisation des relations prédateurs-proies, il coordonne la récolte des matériels biologiques et en prend en charge l’analyse en vue de déterminer le régime alimentaire des grands cormorans.
Cette étude est également menée en 2021 en collaboration avec Seine Normandie Migrateurs (Seinormigr) qui va conduire un suivi en parallèle sur le bassin de l’Arques (76).
Contexte du programme SAMARCH
Le programme SAMARCH (SAlmonid MAnagement Round the CHannel – Gestion des salmonidés dans la Manche) est financé par le programme Interreg « France (Manche) Angleterre » pour une période de 5 ans sur 2017-2022. Il s’inscrit dans le contexte de baisse d’abondance des populations sauvages de Saumon atlantique et de Truite de mer, dont les effectifs ont diminué d’environ 70 % depuis les années 1970. Les populations de salmonidés migrateurs sont sous pression et ont besoin d’une meilleure protection, en particulier en estuaire et en mer. Par ailleurs, l’importance économique de ces espèces est non négligeable, notamment grâce à la pêche de loisir à la ligne en Europe, dont la valeur est estimée à 1,2 milliard d’euros par an.
Le projet SAMARCH vise à améliorer la gestion des populations de Saumons atlantiques et de Truites de mer (salmonidés) dans la Manche en améliorant les connaissances scientifiques sur les espèces et en diffusant ces connaissances auprès des gestionnaires afin de faire évoluer la réglementation notamment en zones estuarienne et côtière. L’objectif est également de mieux comprendre les causes du déclin de ces populations.
SAMARCH est un projet transfrontalier, comprenant 10 organismes partenaires, 5 en France et 5 au Royaume-Uni. Il est dirigé le Game & Wildlife Conservation Trust (GWCT). Ce projet étudie ces poissons sur cinq rivières du sud de l’Angleterre et du nord de la France ; il s’appuiera sur l’expertise des équipes de recherche spécialisées sur les poissons, de l’Environment Agency sur le Tamar, de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement (INRAE) et de l’Office Français pour la Biodiversité (OFB). Les Universités de Bournemouth, d’Exeter et l’Agrocampus Ouest, le Salmon & Trout Conservation UK, Seinormigr et Bretagne Grands Migrateurs figurent parmi les autres partenaires.
Le lien suivant apporte des informations précises sur le programme : https://samarch.org/fr/
Bretagne Grands Migrateurs (BGM) et Seine Normandie Migrateurs (Seinormigr), partenaires du projet, interviennent principalement dans la diffusion des connaissances acquises auprès des gestionnaires pour faire évoluer la réglementation de la gestion des salmonidés migrateurs notamment en mer et en estuaire. Il s’agit entre autres :
- D’exposer les résultats du programme dans des conférences nationales et internationales ;
- D’impliquer les pêcheurs amateurs aux lignes en eau douce à partir d’enquêtes pour mieux comprendre leur perception de la gestion des salmonidés en France et au Royaume-Uni ;
- D’émettre des recommandations pour la gestion des salmonidés dans les zones estuariennes et côtières.
SAMARCH est un projet de 5 ans bénéficiant d'une subvention de 5,8 millions d'euros du programme Interreg France-Manche-Angleterre de l'Europe
Pour en savoir plus / contacts :
- Pour des questions relatives au programme SAMARCH, contexte de l’étude et aux salmonidés migrateurs : Gaëlle GERMIS, directrice Bretagne Grands Migrateurs : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- Pour des questions relatives au grand cormoran : Yann FEVRIER, coordinateur GEOCA : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.