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Une année avec Eog ! Episode 13 - Pourquoi les saumons mordent à la ligne alors qu'ils ne se nourrissent pas en rivière ?

Une année avec Eog ! Episode 13 - Pourquoi les saumons mordent à la ligne alors qu'ils ne se nourrissent pas en rivière ?

 

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Dans le cadre de l'année internationale du saumon, Bretagne Grands Migrateurs lance tout au long de l'année 2019 une chronique sur le saumon. Aujourd'hui, le treizième épisode : Pourquoi les saumons mordent à la ligne alors qu'ils ne se nourrissent pas en rivière ?

Les pêcheurs à la ligne cherchent à capturer le saumon pendant leur phase de vie en rivière sur les périodes d’ouverture de la pêche du saumon, de mars à mai/juin pour les saumons de printemps et de juin à octobre pour les castillons. Pourtant, dès que le saumon approche de l’estuaire de sa rivière natale, le saumon cesse de se nourrir. Ainsi, les saumons de printemps restent plus de 9 mois sans manger !

Alors pourquoi un poisson qui ne se nourrit pas en rivière, jeûnant pendant plusieurs mois, gaspille-t-il son énergie à s’emparer d’un leurre, d’une mouche…, objet peu différent des débris que charrie journellement le courant sans qu’il ne s’y intéresse ?

Tout simplement, le saumon mord par agressivité, par curiosité, par réflexe alimentaire ou peut-être par amusement.

C’est surtout au cours des premiers jours ou des premières semaines de leur arrivée en eau douce que les saumons sont les plus mordeurs. Au fur et à mesure de leur séjour en rivière, ils deviennent plus réticents et surtout plus méfiants vis-à-vis des leurres et mouches que certains poissons voient passer plusieurs fois par jour. Les coups d’eau peuvent également inciter des poissons calés depuis plusieurs mois dans une fosse à mordre de nouveau.

Aborder cette question permet de faire un pas de côté sur les captures de saumons en Bretagne. Depuis 1987, les déclarations de captures sont obligatoires. Ce recensement permet au Centre National d'Interprétation des captures de salmonidés migrateurs (CNICS) d'évaluer les prélèvements par pêche aux lignes et de caractériser la taille, le poids et l'âge des individus capturés. Ces déclarations permettent également d'assurer un suivi des pêcheries en temps réel afin de fermer la pêche en cas d'atteinte du Total Autorisé de captures (TAC).

En Bretagne, le nombre de captures aux lignes des saumons varient d’un rapport 1 à 5 entre 1987 et 2018 (minimum de 528 en 2018 et maximum de 2 971 en 1994). Ces fluctuations annuelles dépendent des variations naturelles du stock mais également de la capturabilité du poisson (date d’ouverture, mode de pêche, conditions hydrologiques, température de l’eau, …).

 

 Illustration : évolution annuelle des captures aux lignes de saumon dans les rivières bretonnes de 1987 à 2018 (© CNICS)

Globalement depuis 1987, les captures aux lignes de saumon diminuent. Cette baisse est surtout liée à la diminution des captures aux lignes des castillons dont l’origine peut être multiple : effort de pêche sur les castillons moindre, baisse des effectifs de castillons... Ceci étant, la part de ces derniers dans les captures à la ligne de saumon demeure plus élevée que celle des saumons de printemps (à l’exception des années 2010 et 2018) : entre 2000 et 2018, les castillons représentent en moyenne un peu plus de 60% des captures de saumon sur la Bretagne.

3 questions à Jean-Yves Moëlo

Président de l’association Bretagne Grands Migrateurs, Président de la Fédération du Morbihan pour la pêche et la protection du milieu aquatique

Comment voyez-vous la pêche du saumon aujourd’hui ?

Tout d’abord, la situation actuelle des effectifs de saumons adultes remontant dans nos cours d’eau est très préoccupante. Sur les dix dernières années, les captures totales estimées en 2017 et 2018 étaient les deux plus faibles années. Au regard des déclarations actuelles, l’année 2019 devrait être encore inférieure à ces années.

Dans ce contexte, il est important que le pêcheur de saumon soit un pêcheur « responsable » qui respecte les règles existantes (TAC, quota individuel, déclaration, modalités de pêche, …). Comparé à la fraction « castillons », les saumons de printemps ont un potentiel de dépose d’œufs 3 à 4 fois supérieures en raison d’une plus forte proportion de femelles et d’un poids individuel plus important. La pêche du saumon de printemps est certainement la plus intéressante et la plus recherchée mais si l’exigence est d’avoir une gestion conforme à l’état du stock, ces données biologiques doivent être prises en compte dans la réglementation de la pêche.

Ainsi, même si les stocks de castillons semblent être à la baisse en 2018 et 2019, un prélèvement orienté vers ces petits saumons d’été est jugé préférable.

Quels sont les évolutions concernant la pêche du saumon pour demain ?

Depuis 1996, le Comité de Gestion des Poissons Migrateurs (COGEPOMI) des cours d'eau bretons a adopté un mode de gestion de pêche des saumons basé sur un Total Autorisé de Captures (TAC). Ce TAC, défini par bassin, est calculé sur la base de surface d'habitats favorables à la croissance des juvéniles de saumons ou tacons et la capacité d'accueil de ces mêmes habitats. Il est fixé de façon à préserver, en fin de saison de pêche, un contingent de géniteurs suffisant pour garantir à long terme le renouvellement optimal des populations.

Depuis 2000, des TAC spécifiques de saumons de printemps par bassin ont été institués afin de modérer les prélèvements sur cette frange sensible de la population de saumons en déclin. La mise en place de cette stratégie a constitué une avancée très significative dans le domaine de la gestion des populations de saumon en Bretagne car elle est fondée sur des connaissances scientifiques quantitatives et objectives. Pour autant elle possède un certain nombre de points faibles, identifiés dès sa mise en place initiale ou apparus au fil de sa mise en œuvre.

Un nouveau projet, appelé RENOSAUM, est actuellement en cours de discussion et d’élaboration. Ce projet vise à refondre la stratégie de gestion actuelle en se focalisant sur ses points faibles. Il s'agit donc en priorité :

  • de revenir sur la notion de limite de conservation en proposant une nouvelle définition opérationnelle plus claire et lisible, levant l’ambiguïté actuelle entre conservation et optimisation de l'exploitation par pêche.
  • de valoriser pleinement l'ensemble des nouvelles données disponibles à l'échelle de la Bretagne via le suivi des captures, mais surtout via le réseau de surveillance du recrutement en juvéniles de l'année initié à la fin des années 90 par l'INRA et l'ex CSP (aujourd’hui AFB) et développé depuis par les Fédérations de pêche bretonnes.
  • de revisiter le système de régulation de l'exploitation en privilégiant sa simplification de mise en œuvre pour le rendre plus compatible avec les moyens humains actuellement disponibles en matière de contrôle de l'exploitation par pêche, sa robustesse vis-à-vis des aléas naturels imprévisibles à l'origine des fortes fluctuations des populations de saumon mais également des erreurs de mise en œuvre inhérentes à tout système de gestion et sa lisibilité pour l'ensemble des acteurs en privilégiant une approche de la régulation de l'exploitation dont les règles de décision seront basées directement sur les observations (indices d'abondance, recrutement en juvéniles) plutôt que sur des sorties de modèles.

Des échanges réguliers sont prévus avec les structures intéressées pour co-construire RENOSAUM et valider les étapes au fur et à mesure. Deux groupes de travail se sont déjà réunis et plusieurs autres réunions seront nécessaires pour échanger sur cette nouvelle stratégie de gestion. En attendant les résultats définitifs du projet, la gestion par TAC va se poursuivre (valeurs de TAC fixées pour 2018-2020).

 

Comment sont-impliquées les structures associatives de la pêche de loisir dans la gestion du saumon ?

Structures à caractère d'établissement d'utilité publique, les Fédérations Départementales pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique contribuent à des actions de gestion équilibrée de protection et de surveillance du patrimoine piscicole, ainsi qu'à des actions de formation, de promotion et d'éducation à l'environnement. Elles œuvrent pour la valorisation des milieux aquatiques et pour le développement du loisir pêche.

Les fédérations de pêche, en étroite collaboration avec Bretagne Grands Migrateurs, produisent des données relatives aux populations de poissons migrateurs par la mise en œuvre de suivis et d’études (Pour le saumon : réseau des indices d’abondance de juvéniles, suivi des migrations sur les stations de comptage, cartographie des habitats sur les cours d’eau, suivi des données de captures, …). L’acquisition de connaissance dans le cadre des suivis et des études est en effet une activité essentielle à la connaissance des stocks et de leur évolution. Les résultats de ces suivis et de ces études sont à disposition du COGEPOMI afin d'adapter les modalités de gestion à l'état des populations.

Par ailleurs, les Fédérations de Pêche mettent en œuvre des opérations de restauration de la continuité écologique. Elles assurent également un rôle d’appui technique et administratif auprès des maîtres d’ouvrage et participent financièrement à des études ou travaux sur des ouvrages.

  … Prochain épisode mi-août

Pour lire ou relire les précédents articles de la chronique "Une année avec Eog... Un saumon de Bretagne!"

Pour en savoir plus sur l'année internationale du saumon

Retrouver l'actualité des poissons migrateurs en Bretagne sur notre site Internet : www.observatoire-poissons-migrateurs-bretagne.fr


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