Tout au long de l'année 2021, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur la grande alose "Une année avec... la grande alose !". Aujourd'hui, le dixième épisode : Où vivent les aloses en mer ? Dès leur première année de vie, les jeunes aloses plongent dans le grand bain du large ! Si les connaissances sur la vie en eau douce des aloses sont développées, ce n’est pas le cas de leur phase de croissance et de maturation en mer qui dure pourtant plusieurs années…
3 à 7 ans pour grandir
La grande alose se nourrit essentiellement à base de plancton, et plus spécialement de zooplancton : petites crevettes (mysidacés), copépodes, … Les plus grands individus capturent également des poissons (anchois, sprat, …). En hiver, l’activité alimentaire des grandes aloses baisse mais reprend fortement au printemps. Durant l’été et l’automne, la part des poissons augmente dans le régime alimentaire de cette espèce.
Une croissance sur le plateau continental
Les grandes aloses préfèrent les faibles profondeurs (moins de 50 m) et à certaines périodes de l’année, principalement en septembre et octobre, fréquentent des habitats plus proches du talus continental (de 70 à 300 m). Les grandes aloses fréquenteraient particulièrement les substrats fins, comme le sable et la vase, dans des milieux ouverts ou des bras de mer bénéficiant d’une biocénose diversifiée. Elles pourraient préférer à certaines périodes de l’année des habitats moins profonds, rocheux et riches en laminaires.
Cartes de prédiction de la grande alose (cellules de 20 × 20 km) dans l'approche de la période de 2 mois. Les couleurs montrent des probabilités. Des probabilités < 0,4 peuvent indiquer l'absence d'alose. Les zones rayées indiquent les sites désignés pour les aloses Natura 2000
Bien que peu nombreuses, des études en domaine marin ont récemment permis de mettre en évidence (Taverny et Élie, 2001, Trancart et al., 2014; Dambrine, 2017, Nachón et al., 2019) :
- Un comportement grégaire des grandes aloses
- Une répartition des aloses en panache autour des estuaires, des principaux bassins versants d’accueil et de certaines baies saumâtres, structurée a priori par des variables abiotiques variant saisonnièrement telles que la salinité, la température, la bathymétrie ou encore la nature du sédiment
- Une plasticité de l’occupation de l’habitat marin avec des individus restant à proximité de leur panache d'estuaire fluvial natal et d'autres utilisant des habitats marins plus éloignés, couvrant des distances allant jusqu'à 400-600 km
- Des échanges d’individus entre bassins versants avec une structure en métapopulation
Et le changement climatique dans tout ça ?
La grande alose serait capable de se repositionner pour aller chercher des habitats qui lui sont nouvellement favorables.Ainsi, le changement climatique, regardé sous l’angle de la température ou de la salinité, ne serait pas une contrainte majeure sur la disponibilité des habitats en mer pour les aloses. De même, la diminution de la production primaire en lien avec le changement climatique, ne serait pas un facteur limitant pour les aloses, même si cette diminution est estimée autour de 30 % pour l’Atlantique Nord (Dambrine, 2017). Toutefois, des interrogations subsistent sur la désynchronisation des signaux marins et continentaux du fait du changement climatique : les signaux marins pourraient notamment enclencher la migration de montaison pour des conditions continentales non-optimales…
Sources :
- Dambrine, C. 2017. Distribution en mer de la grande alose et de l’alose feinte : apports de la modélisation empirique de niche écologique. Stade de fin d’études de l’ENSAIA – Nancy
- Nachón D.J., Bareille G., Drouineau H., Tabouret H., Taverny C., Boisneau C., Bérail S., Pécheyran C., Claverie F., Daverat F. 2019. 80’s population-specific compositions of two related anadromous shad species during the oceanic phase determined by microchemistry of archived otoliths. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, NRC Research Press, 2020, 77 (1), pp.164-176
- Taverny, C., and Elie, P. 2001. Répartition spatio-temporelle de la grande alose Alosa alosa (Linné, 1766) et de l´alose feinte Alosa fallax (Lacépède, 1803) dans le Golfe de Gascogne. Bull. Fr. Pêche. Piscic. 362/363: 803–821
- Trancart, T., Rochette, S., Acou, A., Lasne, E., Feunteun, E. 2014. Modeling marine shad distribution using data from French bycatch fishery surveys. Marine Ecology Progress Series 511, 181-192
Rendez-vous fin décembre pour le prochain épisode !