Source de la photo : L. Madelon FNPF
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ECOLAB - UMR 5245
CNRS-UPS-INPT
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Le silure glane (Silurus glanis) est l’un des plus grands poissons d’eau douce dans le monde et le plus grand en Europe. En France, l’introduction et l’expansion du silure, qui à taille adulte (>2m) atteint plus de deux fois la taille des prédateurs natifs comme le brochet (>1m), ont augmenté la taille refuge des proies c’est-à-dire la taille maximale à laquelle ces dernières ne sont plus prédatées. Des poissons comme les espèces anadromes qui échappaient, de part leur grande taille, à la prédation sont désormais susceptibles d’être prédatées par le silure. De plus en plus d’interrogations se posent sur l’impact du silure sur l’ensemble des espèces migratrices. Les chutes d’effectifs constatées chez les espèces migratrices d’une part et l’observation de comportements de prédation par le silure sur ces espèces (saumons, mulets, aloses) d’autre part, posent la question de l’impact du silure sur les espèces migratrices.
Le pôle OFB-INRAE-Institut Agro-UPPA pour la gestion des migrateurs amphihalins dans leur environnement (MIAME) a ainsi lancé en 2020 l'étude SILVIL pour estimer la biomasse de poissons migrateurs consommée par le silure. La réalisation de cet objectif a été réalisée en suivant les étapes suivantes :
- estimer la biomasse moyenne de proies migratrices qu’un silure consomme annuellement
- estimer la biomasse des individus d’une population de silure qui sont susceptibles de consommer des proies migratrices adultes
- estimer la densité du prédateur dans le milieu étudié
Pour cela, des données issues de la littérature scientifique ont été couplées à des données de biométrie, d’isotopie et de génétique issues d’échantillons de silures provenant de la partie aval du bassin de la Vilaine.
I - Biomasse annuelle de proies migratrices consommée en moyenne par un silure
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La présence des migrateurs (lamproies marines, aloses et saumons) dans la Vilaine s'étend de mi-mars à mi-juillet d'après les données de vidéocomptage d'Arzal (Eaux et Vilaine). Au vu de ces observations, il a été décidé de considérer une durée de migration moyenne de 105 jours dans le calcul. Par ailleurs, un ratio de consommation journalière égal à 1,25% du poids des silures a été utilisée pour estimer leur consommation moyenne.
Sur ces bases et les analyses isotopiques, le modèle indique que les silures ont consommé en moyenne 96,2% de proies d’eau douce contre 3,8% de proies d’origine marine.
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II - Biomasse de silures susceptibles de consommer des proies migratrices adultes
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La structure en tailles des silures de la Vilaine a été établie à partir de celle de la population des silures du bassin de la Garonne, à cause du faible nombre de silures capturés sur la Vilaine.
La distribution des tailles modélisée a été utilisée pour estimer ensuite la proportion des silures d’une taille supérieure à 80 cm dans la Vilaine, taille au-delà de laquelle les individus sont susceptibles de consommer des proies migratrices adultes.
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III - Abondance de silures dans le milieu étudié
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En se basant sur des données génétiques uniquement, les modèles statistiques ont permis d’estimer une densité de silures de l’ordre de 4 à 5 individus par hectares dans la Vilaine. L’abondance finale dans la Vilaine serait de 2783 individus. |
Biomasse d’espèces anadromes consommées par le silure
Cette biomasse de silure consomme chaque jour 0,26 tonnes de proies dont 10 kg (3,8 %) de migrateurs amphihalins en migration anadrome. Finalement sur l’année (105 jours), les silures consomment 1,061 tonnes de poissons migrateurs en migration anadrome (aloses, lamproies, salmonidés migrateurs et mulets). Cette estimation étant assortie d’incertitudes, il est important de la considérer avec précaution, comme un ordre de grandeur plutôt qu’en tant que valeur absolue.
Dans le système Vilaine, la proportion d’espèces anadromes consommée par les silures est sans doute sous-estimée car elle ne tient pas compte des mulets qui se nourrissent en eau douce. En effet, contrairement aux autres espèces anadromes (saumons, aloses…), à l’âge adulte, les mulets peuvent avoir une signature isotopique dulçaquicole. Néanmoins, cela n’a pas pu être intégré dans le calcul car cette proportion de mulets n’est pas connue.
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Stéphanie Boulêtreau, Laurent Beaulaton, Frédéric Santoul, Jérôme Prunier. Estimation de la biomasse d'espèces migratrices consommées par le silure glane dans le bassin versant de la Vilaine Rapport final. Université Toulouse 3 - Paul Sabatier. 2024. ⟨hal-04874556⟩