Depuis janvier, Bretagne Grands Migrateurs (BGM) et le Groupe Ornithologique des Côtes d’Armor (GEOCA), arpentent le Léguer à la recherche de Grands Cormorans.
Ce suivi s’inscrit dans le cadre du programme SAMARCH et se poursuivra jusqu’à fin 2021. L’étude vise à étudier le régime alimentaire de ces oiseaux, avec une attention particulière portée sur la prédation des salmonidés, notamment des smolts.
Les Grands Cormorans sont scrupuleusement surveillés, dans l’espace comme dans le temps : les trouve-t-on toujours aux mêmes endroits ? Y en a-t-il autant toute l’année ? Les observe-t-on en pêche ? Que mangent-ils ? A quelle fréquence ? L’étude a pour but d’apporter des éléments de réponse à ces questions.
Pour en savoir plus sur le contexte de l'étude
La méthode de travail
L’équipe de terrain, réunissant le GEOCA et BGM, réalise un suivi des dortoirs identifiés au préalable 1 fois par mois et toutes les semaines en mars et avril pendant la période de dévalaison des smolts. Armés de leurs jumelles, les naturalistes comptent et géolocalisent les individus, observent leur comportement et déterminent leur âge.
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Suivi des dortoirs sur le Léguer (© J. Theys) |
Pelote de réjection (© J. Theys) |
Les pelotes de réjection (boulettes de mucus contenant les restes alimentaires non digérés des derniers repas) produites 1 fois par jour, sont ramassées pour être analysées en laboratoire. Dans ces pelotes, on peut y retrouver des otolithes, aussi appelés « pierres d’oreilles », qui sont des concrétions calcaires de l’oreille interne des poissons et servent à l’équilibre de l’organisme. Ces concrétions portent des caractéristiques uniques qui permettent notamment d’identifier l’espèce, la taille ou encore l’âge. Ces pelotes sont analysées au laboratoire du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) à Dinard afin de récupérer les otolithes et à partir de celles-ci, de définir le nombre de proies consommées et la diversité d’espèces prédatées par le Grand Cormoran.
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Analyse des otolithes (© J. Theys) |
Analyse des otolithes (© J. Theys) |
Quelques résultats
Les premiers résultats de l’enquête restent provisoires puisque l’étude se poursuit jusqu’à décembre.Néanmoins, à ce stade, quelques constats ont déjà été faits.
Un effectif plus important de cormorans est systématiquement observé sur la partie estuarienne. En journée, en moyenne 6 individus sont observés sur les dortoirs de la partie estuarienne contre 1 individu sur les dortoirs situés en rivière.
Les comptages aux dortoirs montrent que le nombre de cormorans qui vient y passer la nuit est en baisse depuis le début du suivi pour tous les dortoirs. L’effectif de Grands Cormorans n’a jamais dépassé 3 individus sur les dortoirs situés en rivière où l’on suspecte même la désertion depuis quelques temps.
Fait intéressant, on observe très peu d’individus adultes en rivière, seulement des immatures (jeunes entre 1 et 3 ans). Comme leur nom l’indique, il s’agit d’individus qui ne se reproduisent pas encore et ne transitent donc pas par des colonies de reproduction. Leurs besoins alimentaires sont moins conséquents puisqu’ils n’ont pas de petits à nourrir.
Au 17 juin, un total de 187 pelotes de réjection a été récolté. 28 sont issues d’un des 3 dortoirs en rivière et 159 du dortoir estuarien. L’analyse des pelotes révèle qu’en moyenne on dénombre 3,4 proies par pelote. Un maximum de 13 proies a été observé dans une pelote. En revanche, l’analyse de pelotes peut sous-estimer le nombre de proies et ne reste qu’une représentation plus ou moins fidèle de ce que l’oiseau a mangé.
Les pelotes de rivière comme d’estuaire montrent la présence de salmonidés, mais dans des proportions différentes. Sur le nombre de proies total dénombré, la part de salmonidés représente 4 % des proies pour l’estuaire contre 55 % des proies en rivière. A ce stade de l’étude, la distinction entre les truites et les saumons n’a pas pu être réalisée avec les données disponibles.
L’analyse des tailles, basée sur la taille des otolithes, a permis d’observer que ¾ des salmonidés prédatés en rivière mesurent entre 66 et 186 mm, taille de truitelles / tacons pour les plus petites tailles et smolts pour les plus grandes. Il semble donc y avoir une certaine prédation sur des jeunes salmonidés, notamment en rivière. Cette prédation concerne un nombre faible de cormorans, puisque la plupart sont observés à l’estuaire et ne consomment eux, que très peu de salmonidés.
Il ne s'agit pas de conclusions mais d’observations préliminaires puisque l’étude est toujours en cours. La suite de l’analyse nous en dira sûrement davantage.
Affaire à suivre…