L'altération hydromorphologique des cours d'eau liée aux obstacles à l'écoulement
Source : Etat des lieux 2019 du SDAGE Lore-Bretagne 2022-2027
Sur le plan écologique, il est désormais bien établi que les barrages et les seuils, en particulier s’ils sont hauts et/ou nombreux, peuvent, par effet cumulé, induire un changement radical des communautés biologiques (animales et végétales) ainsi que des processus écologiques : cycles du carbone et de l’azote, rendement épuratoire, piégeage et relargage de toxiques, ... L’effet barrière conduit au blocage partiel ou total des migrations de poissons et au transport des sédiments.
Le fait de retenir l’eau a comme effet :
- un réchauffement de l’eau de plusieurs degrés,
- une évaporation accrue,
- une augmentation de l’eutrophisation variable selon le niveau d’enrichissement du cours d’eau en nitrates et phosphore,
- une baisse de la concentration en oxygène dissous.
La rupture de la continuité écologique a un impact au niveau de l’ouvrage lui-même mais aussi à l’amont et surtout à l’aval du cours d’eau. La principale conséquence est la modification des habitats voire leur destruction. Ces modifications d’équilibre écologique peuvent remettre en cause la pérennité des espèces et la biodiversité associée.
Les descripteurs de la pression générée par les ouvrages sur les cours d 'eau
Le taux d'étagement
Il est calculé en faisant le rapport entre le cumul des hauteurs de chutes artificielles et la dénivelée du profil en long du cours d’eau. Cet indice caractérise l’effet « retenue » des ouvrages, c’est-à-dire la perte d’écoulement naturel engendré par les obstacles (= part du linéaire de cours d’eau transformée en plan d’eau). L'effet "retenue" ne peut s'atténuer que par par l’arasement ou le dérasement d’ouvrages.
Le taux de fractionnement
Il correspond au rapport entre le cumul de la hauteur de chute artificielle et la longueur du cours d’eau. Cet indice caractérise l’effet « barrière » des ouvrages, c’est-à-dire l’altération des conditions de circulation longitudinale, en particulier pour évaluer la perte de continuité biologique dans son ensemble, sans cible spécifique.
Contrairement au taux d’étagement qui ne prend en compte que l'arasement ou le dérasement des obstacles, l’existence d’une passe à poisson fonctionnelle réduit le taux de fractionnement (réduction de l’effet barrière pour des espèces piscicoles ciblées). Ainsi, lorsque qu’un ouvrage est équipé de dispositifs de franchissement jugés globalement performant à la montaison et à la dévalaison, pour toutes les espèces à prendre en compte, il n’est pas intégré dans le calcul du taux de fractionnement.
La densité d'ouvrages
Cet indice correspond au nombre d’ouvrages par tronçon de cours d’eau divisé par sa longueur, soit un ouvrage tous les x km de cours d'eau. Il est complémentaire au taux de fractionnement mais insensible à l’intensité de l’impact (un ouvrage franchissable a la même incidence qu’un obstacle infranchissable).
La pression exercée par les obstacles à l'écoulement sur les cours d'eau
L'état des lieux 2019 du SDAGE Loire-Bretagne 2022-2027 a élaboré un descripteur de pression exercée par les ouvrages transversaux sur les cours d'eau. Il a été établi en retenant :
- Le taux de fractionnement pour les masses d’eau dont la pente moyenne est inférieure à 0,1 ‰ :
L’effet barrière est le plus gênant dans des cours d’eau très peu pentus. En effet, du fait de la faible pente, l’impact du seuil sur l’évolution de la morphologie du cours d’eau sera réduit. Par contre, il conservera pleinement son impact d’obstacle aux migrations piscicoles et au transport des particules fines en suspension. C’est donc le fractionnement du cours d’eau qui sera le problème majeur dans ces cours d’eau à très faible pente.
- Pour les autres cours d’eau (pente supérieure à 0,1 ‰), c’est la valeur la plus pénalisante entre le taux de fractionnement et le taux d’étagement qui est retenu :
Si l’impact négatif prépondérant est une réduction de la dynamique fluviale et une uniformisation des habitats aquatiques, c’est le taux d’étagement qui est pertinent ; si l’impact le plus important est le fractionnement du cours d’eau avec un rétablissement de la possibilité d’avoir une dynamique fluviale entre deux retenues, alors le taux de fractionnement est l’indicateur pertinent.
Il apparaît donc que pour instaurer une situation permettant d’atteindre le bon état sur une masse d’eau qui contient des seuils, c’est la combinaison des deux indicateurs qui permettra de tendre vers un dimensionnement adapté pour l’atteinte du bon état. Pour contribuer à l’atteinte du bon état d’une masse d’eau concernée par des pressions sur la continuité écologique, il faut examiner la combinaison des deux indicateurs pour guider les travaux à conduire et les dimensionner:
- Si l’indicateur le plus pénalisant est le taux de fractionnement, il est possible de réduire l’effet barrière pour le rendre compatible avec l’atteinte du bon état, par arasement ou équipement en dispositifs de franchissement piscicole. Mais les obstacles, même équipés, continuent à perturber en partie la dynamique du cours d’eau.
- Si l’indicateur le plus pénalisant est le taux d’étagement, araser ou supprimer des seuils permet de restaurer une dynamique de la morphologie et une continuité écologique complètes et compatibles avec l’atteinte du bon état.