Les quantités de saumon capturées par les pêcheries sont en forte chute en mer, témoignant de la diminution du stock de saumons sauvages.
Captures de saumon atlantique (Tonnes) sur son aire de répartition en Atlantique Nord depuis 1983 (Source : NASCO)
Le saumon atlantique est classé en quasi-menacé depuis 2023 à l’échelle mondiale selon les critères de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). En Europe du Sud (dont la France), depuis 15 ans, le nombre de saumons fluctue autour de la limite nécessaire à sa conservation, principalement pour la fraction « saumons de printemps » (deux hivers en mer).
Classement UICN du saumon atlantique à l'échelle mondiale
Le saumon atlantique est également classé comme quasi-menacé en France et en Bretagne. La Bretagne est l’unique région de France comportant un véritable réseau de rivières colonisées par le saumon, constitué d’une trentaine de fleuves côtiers. Il est abondant surtout sur les bassins versants situés à l'Ouest d'une ligne Saint-Brieuc / Vannes. Pour la plupart des cours d’eau, les stocks se maintiennent à un niveau permettant le renouvellement des populations. Toutefois, les zones de colonisation présentent des différences liées au couple présence de seuils / conditions hydrologiques lors des périodes de migration du saumon.
Depuis les années 2000, on observe une augmentation de la production en juvéniles de saumons des rivières bretonnes. Elles comportent de nombreuses zones de reproduction dès leur partie basse permettant aux saumons un accès aux frayères avec un minimum de dépenses énergiques. Mais les bonnes conditions de survie des juvéniles en eau douce ne compense pas la faible survie marine. La responsabilité bretonne vis-à-vis de cette espèce est donc très élevée en raison de sa raréfaction sur les autres bassins français. Mais seuls 42% de l’aire potentielle de répartition historique est colonisée. La situation des saumons reste donc fragile sur les cours d’eau en Bretagne.
Un grand nombre d'études sur la biologie du saumon atlantique a été mené sur sa phase de vie en eau douce. On connaît aujourd'hui les principaux facteurs limitant la réussite de la reproduction, le développement des œufs dans les frayères et la croissance des tacons. Les scientifiques s'accordent pour dire que le problème se situe en mer. Cela ne veut pas dire qu'il faut cesser les efforts de protection de l'espèce en eau douce, au contraire ! Les générations de saumons de l'Atlantique Nord se renouvellent en quelques années. Ces populations sont donc capables de répondre rapidement aux mesures prises (en comparaison des anguilles dont le cycle de vie est en moyenne deux fois plus long).
Pressions et menaces qui pèsent sur les populations de saumons En Bretagne, les principales pressions sur le saumon sont reliées à la fois à l’impact des activités anthropiques et au changement climatique. Ils régulent le fonctionnement des populations de saumon en influant sur le taux de survie, sur la capacité d’accueil du milieu et sur les stratégies de vie. | |
Le changement climatiqueLe changement climatique en cours est sans équivoque. L’océan et l’atmosphère se réchauffent et s’asphyxient (augmentation des gaz à effet de serre, acidification des océans…), les glaciers fondent, le niveau moyen de la mer s’élève… Et pour le saumon, même s’il a une certaine capacité à réagir et à s'adapter aux variations des conditions environnementales, elle reste néanmoins limitée sur de courtes périodes. En mer, ces changements se traduisent déjà par une modification des écosystèmes marins, avec en particulier des répercussions sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Le saumon, qui doit faire face à des conditions de vie en mer déjà très difficiles, va voir son environnement se dégrader avec les changements climatiques. (cf. épisode 2 de la chronique d’Eog pour en savoir plus sur la vie de saumons en mer) En Bretagne, des étés plus chauds et plus secs et des hivers plus doux et plus humides, ponctués d’épisodes météorologiques extrêmes plus fréquents, devraient se succéder et se traduire dans les cours d’eau par un réchauffement des eaux, des crues soudaines et des étiages très marqués. L’augmentation de la température de l’eau va directement affecter le saumon : au-delà de 17°C, le saumon connait un stress thermique, à partir de 20°C, il cesse tout mouvement migratoire et à partir de 25°C, il peut mourir… (cf. épisode 14 de la chronique d’Eog pour en savoir plus sur la vie de saumons en mer). L’augmentation de la température de l’eau pourrait également avoir un impact sur la dynamique de populations des saumons : la désynchronisation (précocité ou retard) des périodes de migration avec les conditions environnementales du milieu peuvent nuire à leur reproduction ou croissance, c’est-à-dire à leur survie. Toutefois, les eaux chaudes, jusqu’à une certaine limite, favorisent une croissance plus rapide des poissons… Les changements dans l’hydrologie des cours d’eau vont également avoir des conséquences directes sur la survie des saumons : des débits plus bas, conjuguée à la hausse de la température de l’eau en été et à l’automne, rendent les conditions de vie des saumons en eau douce, augmentant le risque de mortalité ; des crues plus intenses provoquent la destruction de frayères. Les plus fortes fluctuations de débit pourraient également avoir des impacts sur la dynamique de populations de saumon, la disponibilité des habitats et leur accessibilité. | |
La dégradation des habitatsLes pressions liées aux activités humaines sur les bassins versants, qu’elles soient urbaines, agricoles ou industrielle, ont un impact sur la qualité de l’eau et sur la continuité écologique. Les obstacles à la migration qui parsèment les cours d’eau retardant ou empêchant la migration des saumons tant à la montaison qu’à la dévalaison, la perte d’habitat de croissance et de frai et la mauvaise qualité de l’eau ont contribué au déclin de la population et à la disparition de populations d’une grande partie de son aire de répartition. En Bretagne, plus de 2 500 obstacles potentiels à la continuité ont été recensés. Outre les conséquences sur la migration des saumons, ces ouvrages accentuent les phénomènes d’eutrophisation, le réchauffement des eaux et réduit fortement la richesse des habitats aquatiques (colmatage, ennoiement, …). Les pollutions domestiques et agricoles ainsi que certaines pratiques culturales participent à dégradation de l’eau et des habitats, en particulier dans les zones influencées par des obstacles à la continuité écologique (colmatage du fond, réchauffement de l'eau, eutrophisation...). | Cours d'eau sans habitats, peu accueillants pour les espèces inféodées aux milieux aquatiques (insectes, amphibiens et poissons) |
La pêcheLe saumon est ciblé par la pêche professionnelle et par la pêche de loisir. Bien que par le passé, la surpêche a été identifiée comme l’une des causes de sa raréfaction, ces activités sont aujourd’hui encadrées de façon très stricte en eau douce (gestion des populations de saumon par les Totaux autorisés de capture) et dans les eaux territoriales par de nombreuses mesures (période d’ouverture et de fermeture en estuaire maritime, licences pour la pêche professionnelle en mer, bagage des prises pour les pêcheurs de loisir…). En haute mer, la pêche du saumon sur les zones de nourricerie est aujourd’hui fermée dans les Iles Féroé et fortement réduite à au Groenland (maintien d’une pêche à des fins de consommation). |
Pêche au filet de saumon (Source : WWF) |
L'élevage intensif du saumonLa pisciculture intensive en contact avec le milieu naturel ou immergée dans ce milieu, affectent négativement les populations sauvages. Le risque de contamination des poissons sauvages par les poissons d’élevage est bien réel : les poux de mer constituent un exemple de maladie qui s’est propagée rapidement au sein des espèces sauvages via des sujets d’élevage qui s’étaient échappés de leur cage. La Bretagne est peu concernée par cette menace.
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Un grand nombre d'études sur la biologie du saumon atlantique a été mené sur sa phase de vie en eau douce. On connaît aujourd'hui les principaux facteurs limitant la réussite de la reproduction, le développement des œufs dans les frayères et la croissance des tacons. Les scientifiques s'accordent pour dire que le problème se situe aussi en mer et qu’il est nécessaire d’améliorer les connaissances sur les conditions de vie des saumons lors de sa phase de vie en estuaire et en mer.
Les changements climatiques ont déjà modifié les écosystèmes et les habitats et ont par conséquent mis les saumons sous pression, ce qui les rend plus vulnérables aux autres facteurs de stress. Dans ce contexte, il convient d’autant plus d’améliorer ou de maintenir la qualité de l’habitat et de l’eau des cours d’eau pour atténuer les effets combinés des conditions difficiles en mer et du changement climatique.