Attention, obstacle au déroulement des étapes vitales !
Par définition, les migrateurs se déplacent. Leurs déplacements entre l'océan et l'eau douce constituent des étapes vitales pour réaliser l'ensemble de leur cycle biologique et ainsi assurer leur survie.
Les migrateurs amphihalins parcourent des milliers de kilomètres à travers les océans. Les anguilles d'Europe naissent toutes en mer des Sargasses au Sud de la Floride. Les saumons atlantiques migrent vers le Nord pour chercher de la nourriture jusqu'aux îles Féroé ou au Groënland. Quant aux aloses et aux lamproies, on connaît moins précisément leurs déplacements ; on sait cependant qu'elles vivent entre le Nord de l'Angleterre et le Nord du Maroc.
En eau douce, les distances parcourues sont moindres. Sur les plus grands fleuves européens, elles atteignent quelques milliers de kilomètres (la Volga et le Danube mesurent respectivement 3 700 et 3 019 km). En France, la Loire est le plus long fleuve (1 013 km). Le front de colonisation des jeunes anguilles (longueur < 30 cm) se situe à 240 km de la mer (tableau de bord anguille du bassin Loire).
En Bretagne, le plus long fleuve est la Vilaine. Certaines anguilles parviennent à Vitré après avoir parcouru plus de 200 km depuis le barrage d'Arzal et franchi plus de 30 obstacles !
Des obstacles physiques notamment s'opposent au bon déroulement des étapes vitales du cycle de vie des migrateurs amphihalins.Tout obstacle constitue a minima un frein, sinon le blocage total vers l'amont diminuant alors les surfaces de reproduction ou croissance.
La restauration de la libre circulation est prise en charge par de nombreux acteurs du domaine de l'eau en application de la règlementation qui vise à reconquérir le bon état écologique des eaux.
Les objectifs de restauration de la libre circulation des migrateurs s'appuient sur :
- Le règlement européen sur l'anguille qui a défini une zone où les obstacles doivent être aménagés en priorité (ZAP Anguille)
- Le classement des cours d'eau au titre de l'article L.214-17 du Code de l'environnement institué par la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques
En savoir plus sur la réglementation générale
Quels impacts sur les poissons migrateurs ?
Frein à la circulation des poissons migrateurs
La fragmentation des milieux naturels est l’une des principales causes d’érosion de la biodiversité. Barrages, seuils de microcentrales, radiers de ponts... constituent toutes sortes d'embûches retardant ou empêchant la remontée et/ou la dévalaison des poissons migrateurs qui ont pourtant besoin de circuler librement sur les cours d’eau pour se reproduire ou grandir. Ces ouvrages influent directement sur la quantité, la diversité et la qualité des espèces aquatiques présentes dans le cours d’eau, en créant des chutes artificielles plus ou moins franchissables…
1. Les ouvrages limitent l'accès aux zones de reproduction / de croissanceEn bloquant plus ou moins partiellement l’accès aux zones de frayères et/ou de croissance des poissons migrateurs, les seuils et barrages ont entrainé une diminution de leurs abondances voire leur extinction sur certains cours d’eau. A titre d’exemple, le saumon a perdu aujourd’hui près de 50 % de son aire de répartition historique en Bretagne. Cela a pour conséquence directe une diminution du recrutement : alors que dans une situation sans barrage, la Bretagne produirait 193 053 smolts, aujourd’hui, la production est estimée à 99 050 smolts (Briand et al., 2015). |
L’effet bloquant des ouvrages transversaux existe aussi à la dévalaison… Une étude menée sur le Frémur a montré chez l’anguille que la présence d’un barrage a un réel impact négatif, empêchant toute migration des anguilles lorsqu’il n’y a pas de surverse (Trancart et al, 2020).
2. Les ouvrages retardent la migration des poissons migrateurs, allant jusqu’à compromettre la reproduction
Les délais nécessaires au franchissement d’un obstacle (tentatives de saut ou/et recherche active de voies de passages) peuvent atteindre plusieurs jours. Une étude radio-télémétrique de la migration des saumons menée en 1999 et 2000 sur l’Aulne a mis en évidence un retard médian variant de 6 heures pour le seuil de Kersalic à près de 8 jours pour le seuil de Coatigrac'h et même à plus de 32 jours pour le seuil de Prat Pourric.
Dispersion des durées de blocage observées au droit des différents seuils de l’Aulne. Les boites représentent ici les intervalles interquartiles, les traits horizontaux à l’intérieur des boites les médianes, les traits verticaux indiquent les valeurs minimales et maximales dans la limite de 1.5 fois l’intervalle interquartile, les ronds les valeurs éloignées et les étoiles les valeurs extrêmes (Croze, 2008)
Et même si le poisson parvient finalement à atteindre une frayère potentielle, la reproduction peut se révéler inefficace si l’arrivée est trop tardive, notamment parce que les conditions environnementales ne sont plus propices à une bonne survie des œufs ou parce que l’énergie dépensée par l’individu en migration a entraîné un phénomène d’épuisement qui l’empêche de défendre un territoire ou d’éviter les prédateurs (ICE, 2014).
A la dévalaison, le passage dans les retenues peut également induire des retards, en raison notamment de la diminution de la vitesse du courant ou des délais nécessaires à la recherche d’un passage vers l’aval. Ils peuvent conduire à une arrivée trop tardive des poissons migrateurs en estuaire à une date ne permettant plus une survie correcte lors de la phase de vie marine. En plus du blocage direct de la migration des anguilles argentées, Trancart et al. (2020) ont mis en évidence sur le Frémur :
- l'atténuation des facteurs déclenchants de la dévalaison, conduisant un retard de la migration
- des retards et des distances supplémentaires parcourues lors de la traversée le barrage
- des coûts énergétiques plus élevés liés à cette distance supplémentaire parcourue
3. Blessures et mortalités au droit des ouvrages
Ce type d’impact concerne plus spécifiquement la migration de dévalaison, même si des blessures ou des mortalités de poissons peuvent survenir suite à des tentatives de saut à la montaison. De manière générale, la dévalaison par les déversoirs se fait sans dommages conséquents lorsque la profondeur d’eau au pied du barrage est suffisante, en particulier dans le cas des barrages de hauteur modérée (moins d’une dizaine de mètres).
Gros plan de la peau d'une anguille argentée blessée dans un turbine (FishPass) | Des pertes bien plus conséquentes peuvent apparaître lors du passage des poissons dans les turbines des centrales hydroélectriques qui le soumet à diverses contraintes susceptibles d'entraîner des mortalités importantes selon les espèces et la taille des individus : risques de chocs contre les parties fixes ou mobiles de la turbine, accélération et décélération brutales, variations très rapides de pression… En Bretagne, la mortalité des anguilles argentées due aux turbines hydroélectriques a été estimée à hauteur de 3,3% (soit 9 411 individus) de la production des cours d’eau bretons (Briand et al., 2015). |
4. Augmentation des risques de prédation et de maladies
Le stress, la fatigue et les blessures occasionnés par les prédateurs, les tentatives de sauts répétés à la montaison ou un passage à travers une turbine hydroélectrique à la dévalaison rendent les poissons fragiles et beaucoup plus sensibles aux parasites, aux maladies et à la prédation.
Les modifications d’habitat créées par les barrages dans les retenues, avec de faibles vitesses d’écoulement, ralentissent les passages, augmentent ainsi les temps de résidence, concentrent les prédateurs ainsi que leurs proies potentielles et créent un stress qui peut augmenter la vulnérabilité aux prédateurs (Croze O., 2008).
Même si pris individuellement, certains ouvrages ne semblent pas présenter d’effet sur les populations de poissons migrateurs, a fortiori lorsqu’ils sont de petite taille, la multiplication des ouvrages amplifie ces impacts le long des axes migratoires ! Toutefois, les travaux évaluant l'effet des obstacles à l'écoulement restent peu nombreux, se cantonnant à l’étude d’une espèce et/ou sur un secteur géographique restreint. C’est pourquoi Eaux & Vilaine, Loire Grands Migrateurs (LOGRAMI) et BGM ont lancé en 2023 un projet, intitulé MONTEPOMI, pour estimer l’impact cumulé des ouvrages lors de la migration de montaison de l’anguille, du saumon, de la grande alose et de la lamproie marine sur le bassin Loire-Bretagne.
Dégradation favorables à la vie et à la production des poissons migrateurs
Qu’ils soient destinés à la production d’électricité et d’eau potable, au soutien d’étiage, à l’irrigation, à la navigation, à la stabilisation du lit des rivières, à l’aquaculture, aux loisirs aquatiques… ou à rien, les ouvrages transversaux ont un point commun : ils entravent la migration des poissons migrateurs et aussi des sédiments ! La présence et la multiplication des seuils et barrages engendrent de fortes modifications physico-chimiques de l’eau et bouleversent la morphologie des cours d’eau. Conséquence : Les habitats favorables à la vie et à la production des poissons migrateurs disparaissent…
1. Des effets négatifs sur la physico-chimie et l’hydrologie du cours d’eau
Les retenues interceptent le phosphore, les pesticides - ce qui contribue d’ailleurs à leur dégradation -, l’azote et le carbone. Elles contribuent par ailleurs à l’élévation de la température de l’eau ainsi qu’à la diminution des teneurs en l’oxygène dissous à l’aval du cours d’eau. Tous ces facteurs contribuent à l’eutrophisation de l’eau au sein des retenues.
Les retenues impactent la dynamique de l’hydrologie naturelle des cours d’eau, d’une part en écrêtant les débits d’étiage ou de crue et d’autre part, en accélérant l’évaporation. L’impact hydrologique de ces pertes est significatif si elles constituent une proportion non négligeable du débit d’étiage du cours d’eau : plus le débit d’étiage est faible et plus l’impact sera important. Cela peut représenter une réduction jusqu’à 35 % des débits annuels (CRESEB, 2023).
2. Des pièges à sédimentEn fonction de leur hauteur, les ouvrages transversaux ralentissent et homogénéisent les écoulements à l’amont, entraînant le dépôt de sédiments. Le piégeage des sédiments dans la retenue dépend de leur granulométrie, de la taille de la retenue, de la vitesse des écoulements en son sein. On distingue :
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Certains ouvrages piègent jusqu’à 100 % des sédiments, déconnectant ainsi l’amont du bassin versant de son aval pour ce qui concerne le transport sédimentaire. A l’inverse pour les petits ouvrages, le taux de dépôt est tel qu’ils peuvent parfois se combler en quelques dizaines d’années et devenir transparents pour le transport solide.
L’interruption du transport sédimentaire provoque l’enfoncement du lit à l’aval, dont les sédiments arrachés par le courant ne sont plus compensés par ceux arrivant de l’amont. Cette diminution de la charge grossière altère les habitats aquatiques à l’aval pouvant rendre le milieu abiotique à terme.
D’une manière générale, l’impact d’un ouvrage transversal sur l’hydromorphologie, l’hydrologie, la qualité des eaux de surfaces et les espèces présentes est variable en fonction de ses caractéristiques (pente du cours d’eau, hauteur de chute, gestion de partie mobile). Il tend à augmenter suivant leur hauteur de chute : altération de la dynamique fluviale, perte de diversité d’écoulement et d’habitats, rupture de continuité écologique (montaison et dévalaison des espèces, transit sédimentaire), développement des processus d’eutrophisation, interception et évaporation des écoulements d’étiages… Même si individuellement, notamment lorsqu’elles sont de petite taille, certaines d’entre elles peuvent ne pas présenter d’effets significatifs, l’effet cumulatif des ouvrages impacte fortement les écosystèmes aquatiques.
Effet retenue (à gauche) et europhisation (à droite) observés sur la Seiche (source : Syndicat du bassin versant de la Seiche)
Quelle influence du changement climatique ? D’ici à 2070, les températures de l’air devraient connaître une hausse moyenne de 0,8 à 2°C en Bretagne avec plus de jours de fortes chaleurs. Au niveau pluviométrique, même s’il demeure de grandes incertitudes sur l’évolution des pluies, leur cumul saisonnier tendraient à augmenter en saison de recharge et diminuer en saison d’étiage, avec des risques accrus de pluies intenses et de sécheresses prolongées. La diminution marquée des débits (jusqu’à 20 %), projetée à horizon 2070-2100, va impacter la capacité de dilution des cours d’eau qui, couplé à la hausse des températures, va accentuer les phénomènes d’eutrophisation et dégrader la qualité de l’eau. L’évaporation de l’eau dans les retenues risque par ailleurs d’augmenter, exacerbant les effets d’un déficit d’eau dans les cours d’eau. |
Sources :
- Baudoin J.-M., Burgun V., Chanseau M., Larinier M., Ovidio M., Sremski W., Steinbach P., Voegtle B. 2014. Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons. Principes et méthodes. Informations sur la continuité écologique – ICE. OFB. 200 pages.
- Briand C., Legrand M., Chapon P.-M., Beaulaton L., Germis G., Arago M.-A., Besse T., De Canet L., Pierre Steinbach P. 2015. Mortalité cumulée des saumons et des anguilles dans les turbines du bassin Loire-Bretagne. 260 pages.
- Carluer N., Babut M., Belliard J., Bernez I., Burger-Leenhardt D., Dorioz J.M., Douez O., Dufour S., Grimaldi C., Habets F., Le Bissonnais Y., Molénat J., Rollet A.J., Rosset V., Sauvage S., Usseglio-Polatera P., Leblanc B. 2016. Expertise scientifique collective sur l’impact cumulé des retenues. Rapport de synthèse. 82 pp + annexes
- CRESEB, 2023. Les retenues d’eau : une opportunité d’adaptation au changement climatique ?
- CRESEB, 2023. Impacts des plans d'eau sur les socio-écosystèmes. Formation Élu.e.s sur l’Eau, le Climat, les milieux aquatiques Ressource.
- Croze O. 2008. Impact des seuils et barrages sur la migration anadrome du saumon atlantique (Salmo salar L.) : caractérisation et modélisation des processus de franchissement. Université de Toulouse. 331 pages.
- Trancart T., Carpentier A., Acou A., Charrier F., Mazel V., Danet V., Feunteun E. 2020. When “safe” dams kill: Analyzing combination of impacts of overflow dams on the migration of silver eels. Ecological Engineering. 11 pages.
Pour aller plus loin...
- Film "Redonnons libre cours à nos rivières !" (AERMC, 2016)
- Restauration de la continuité écologique des cours d'eau et des milieux aquatiques : idées reçues et préjugés (FNE et ONEMA, 2014)
- Améliorer l'état écologique des cours d'eau - 18 questions, 18 réponses (Secrétariat technique du bassin Loire-Bretagne, 2012)
- Pourquoi rétablir la continuité écologique des cours d'eau ? (ONEMA, 2010)
Evaluer la franchissabilité
Tous les migrateurs ne sont pas des athlètes de haut niveau !
Selon l'espèce, l'âge du poisson ou son état de santé, tous les migrateurs ne franchissent pas les obstacles de la même façon. Certains d'ailleurs se cassent le nez et n'y parviennent pas.
Les poissons migrateurs ne franchissent pas les obstacles de la même façon :
- En plus de savoir nager, les anguilles sont capables de ramper
- La silhouette atlhétique du saumon fait de lui un très bon nageur apte au saut
- Bonnes nageuses mais inaptes au saut, les aloses franchissent très peu d'obstacles
- Faute de nageoires et d'une musculature adaptée, les lamproies mairnes ne sont ni bonnes nageuses ni apte au saut. En revanche, elle arrivent à franchir des obstacles grâce à leur comportement de burst and attach (alternance de nage en vitesse de sprint et de fixation au substrat grâce à leur disque buccal).
Dans tous les cas, quelle que soit sa hauteur, tout obstacle en travers du lit des cours d'eau est un frein dans la migration. Même s'il n'est pas totalement infranchissable, un barrage à franchir est une difficulté dans le parcours. Il occasionne une fatigue et/ou des blessures qui peuvent être fatales lorsqu'elles se multiplient. De plus, un barrage conduit parfois à une reproduction forcée dont la réussite est faible.
Informations sur la continuité (ICE)
L'Office français de la biodiversité a développé un outil permettant de diagnostiquer et quantifier les impacts des ouvrages hydrauliques sur les poissons : le protocole ICE (Informations sur la continuité écologique). Ce protocole permet de diagnostiquer de manière simple et objective le risque d'entrave au déplacement des poissons en montaison, généré par les principaux types d'obstacles physiques à l'écoulement et poues les espèces communes des cours d'eau en France.
Il repose sur la confrontation des caractéristiques typologiques, géométriques et hydrauliques des obstacles avec les capacités physiques de déplacement des espèces piscicoles considérées. Le protocole ICE est une méthodologie nationale standardisée à destination des acteurs de l'environnement et de l'aménagement du territoire, des scientifiques, des bureaux d'études, des enseignants et de tout public intéressé.
En savoir plus sur le protocole ICE
Restaurer la circulation des poissons migrateurs : quelles solutions ?
Le propriétaire est le premier concerné puisqu'il a le devoir d'assurer la libre circulation des poissons migrateurs au niveau de son ouvrage sur les cours d'eau classés en liste 2. Mais la restauration de la continuité piscicole fait appel a de nombreux acteurs aussi bien en tant que maître d'ouvrage que partenaires techniques, financiers ou administratifs.
Plusieurs solutions existent pour réduire voire annuler les impacts négatifs des obstacles sur la migration des poissons migrateurs...
Un enjeu majeur : le rétablissement de la continuité écologique
Aucune solution n'est définie à l'avance. Elle doit apporter le meilleur gain écologique tout en tenant compte de l'intérêt et des usages liés à l'ouvrage.
RETABLIE | ||
Effacer des obstaclesSolution la plus efficace, la plus pérenne et la moins coûteuse, l’effacement rétablit la circulation des poissons et recrée des zones courantes, favorables à leur croissance et à leur reproduction. | Illustration : Effets de l'effacement d'un ouvrage sur le cours d'eau (AFB) | |
Abaisser des obstaclesLa réduction de la hauteur de chute ou la création d’une brèche localisée est une solution alternative à l’effacement pour conserver les intérêts associés à l’ouvrage. | ||
Créer une rivière de contournementLe principe consiste à relier l’aval de l’amont grâce à un cours d’eau artificiel contournant l’obstacle à franchir. La rivière de contournement restitue le plus fidèlement possible les caractéristiques d’un cours d’eau naturel. | Illustration : schéma de principe d'une rivière de contournement (IMAGIC pour BGM) | |
Ouvrir les vannesL’ouverture des vannes de manière permanente ou temporaire - si elle est couplée à une passe à poissons - est une solution intermédiaire intéressante lorsque l’ouvrage a un fort intérêt paysager ou patrimonial. | ||
Installer des passes à poissonsLe principe consiste à attirer les poissons pour les inciter à passer de l’autre côté par une voie d’eau artificielle. Les conditions de courant dans les passes doivent être compatibles avec les capacités de nage et de saut des différentes espèces de poissons migrateurs. La passe à poissons ne constitue qu'une solution partielle car elle ne permet pas le franchissement de 100% des poissons. | Illustration : schéma de principe d'un dispositif de franchissement (IMAGIC pour BGM) | |
AMELIOREE |
Les obstacles doivent également permetrre la circulation des poissons lors de leur descente vers la mer :
- Des aménagements sont conçus pour empêcher les poissons d'accéder aux turbines des centrales hydroélectriques (grille),
- L'installation de turbines ichtyophiles minimise les mortalités et blessures des poissons lors de leur passage dans ce type d'équipement.
Entretenir et évaluer la fonctionnalité des passes à poissons
La prise de conscience des années 80, s’est traduite par la loi pêche de 1984 qui a imposé la libre circulation piscicole au niveau des ouvrages existants sur les cours d’eau classés au L432-6 du code de l’environnement. Ainsi, d’importants efforts ont été réalisés afin de répondre aux objectifs fixés puisqu’en une vingtaine d’années, près de 450 dispositifs de franchissement ont été construits en Bretagne (on recense en 2014, 3421 obstacles) : des passes à poissons telles que des passes à bassins et à ralentisseurs ou des ouvrages de franchissement telles que des rivières de contournement ou passes rustiques.
Dans le contexte du classement en liste 2 du L214.17, entretenir les passes à poissons et s’assurer de l’efficacité des dispositifs des franchissement sont nécessaires.
L'entretien des passes à poissons
Le propriétaire d'un ouvrage est juridiquement responsable du bon fonctionnement des ouvrages et de la passe à poissons et est l'unique gestionnaire de son ouvrage.
Les défauts d’entretien ou de dimensionnement peuvent compromettre la fonctionnalité des passes à poissons occasionnant un risque pour le poisson de ne pas trouver l’entrée, de franchir l’obstacle avec du retard et/ou du stress ou des blessures qui peuvent être préjudiciables pour la reproduction du poisson.
La bonne fonctionnalité des passes à poissons consiste à :
- Vérifier l'intégrité physique de l'ouvrage - Vérifier le bon état des maçonneries et l'absence de fuites et retrait régulier de tout corps étranger suceptible de perturber le bon écoulement de l'eau dans le dispositif : amas de branchages ou feuilles obstruant l'entrée, les fentes, les échancrures ou les orifices ainsi que les espaces entre les ralentisseurs et dépôt significatifs d'alluvions (sables, graviers, cailloux) au niveau de la prise d'eau, de la sorite de passe ou dans les différents bassins.
Ces vérifications doivent se faire très régulièrement lors des périodes de migrations des poissons et impérativement après chaque variation significative de début de la rivière (coup d'eau).
- Préserver le fonctionnement hydraulique - Surveiller régulièrement les conditions d'écoulement en sortie d'ouvrage (zone d'entrée pour les poissons). le jet doit rester horizontal et dans l'axe de l'ouvrage. La passe à poissons doit être alimentée en eau. Vous ne devez jamais placer de batardeau ou de planche, ni obtruer la prise d'eau sauf pour les opérations d'entretien si nécessaire.
L'évaluation de l'efficacité des passes à poissons
En Bretagne, aucune évaluation globale de l’efficacité des programmes de restauration mis en œuvre par la construction de passes à poissons n’a été menée. Bretagne Grands Migrateurs a lancé en 2013, un travail d'évaluation de l’état et de la fonctionnalité des passes à poissons des cours d’eau bretons.
Le nombre de dispositifs de franchissement étant élevé (près de 450 dispositifs de franchissement recensés sur les cours d’eau bretons), le diagnostic s’intéresse à 6 bassins versants : le Couesnon, le Leff, le Queffleuth, la Penzé, le Scorff et l’Arz.
Télécharger les fiches de terrain AFB-BGM diagnostic d'entretien et de fonctionnement des passes à poissons (une fiche de terrain adaptée selon le type de passes à poissons : passe à anguilles, passe à ralentisseurs, passe à bassins, passe rustique, échancrure et pré-seuil - format xlsx).
En savoir plus sur la gestion et l'entretien des passes à poissons :
Cliquer sur l'image pour télécharger le rapport "Evaluation de l'état de fonctionnalité des passes à poissons de Basse-Normandie - Actualisation de la base de données ouvrages de la CATER Basse-Normandie (Gaberel P., 2005, CATER Basse Normandie) | |
Cliquer sur l'image pour télécharger le guide de gestion et d'entretien des dispositifs de franchissement des ouvrages hydrauliques pour les poissons migrateurs (Hilaire M., Senecal A., Besse T. et Baisez A., 2014, LOGRAMI) | |
Cliquer sur l'image pour télécharger la plaquette de l'Agence de l'eau Adour-Garonne sur l'entretien des passes à poissons |
Gérer les ouvrages estuariens
Au niveau de la zone soumise à marée, des ouvrages permettent de gérer l’alimentation de marais salés ou les submersions régulières dans les territoires amont gérés en eau douce. De par leur mode d’utilisation, ils peuvent entraver la libre circulation des jeunes anguilles vers les zones humides côtières qui représentent des territoires d’accueil privilégiés pour l’espèce. Face à la diversité des ouvrages, il est utile de disposer d’une palette de solutions de gestion.
En Bretagne, quelques exemples d'aménagement sur des ouvrages à la mer ont été réalisés.
- Sur les ouvrages à la mer du Marais de Dol de Bretagne (35)
Le Syndicat des bassins côtiers de Dol de Bretagne (SBCDol) accompagne l’Association des Digues et Marais de Dol pour restaurer la continuité écologique sur les cours d’eau du Marais de Dol, en particulier pour l’anguille. De février à juin 2017, une première série de tests a été réalisée sur le Guyoult grâce à la pose de petites cales sur les portes à flot situées à l’exutoire du cours d’eau au Vivier sur mer. Ces derniers se sont avérés très concluants puisqu’ils ont démontré une hausse des effectifs d’anguilles pour l’année 2017. Ces tests ont été reconduits en 2018 et 2019 afin de confirmer le rétablissement de la continuité écologique sur le Guyoult. En 2018, 3 nouveaux cours d’eau - le Canal des Allemands, le Cardequin et la Banche - ont été aménagés par l’Association des Digues et Marais de Dol pour permettre la réalisation de nouveaux tests en 2018 et 2019. Des systèmes de vantelles constitulées dede plaques métalliques cintrées pivotant sur un axe horizontal de dimension 30 x 10 cm ont été installées sur les 3 vannes secteur. Le mécanisme est simple et se constitue d’une vanne guillotine horizontale qui permet trois modes de gestion : fermé, demi-ouvert et ouvert. Ces expérimentations de 3 ans sont accompagnées d’un suivi des paramètres de conductivité, de température et de niveaux d'eau par le SBCDol. Conjointement, la Fédération de pêche réalise des pêches électriques et autres suivis complémentaires afin de vérifier les effectifs d’anguilles dans ces cours d’eau. | Porte à flot Le Vivier sur le Guyoult - Crédit photo : F. Hyacinthe Vantelle installée sur la vanne secteur du canal des Allemands - Crédit photo : F. Hyacinthe |
- Sur le clapet à marée du ruisseau de Penmarc'h (29)
Le Syndicat du SAGE Ouest Cornouaille a réalisé en 2014 un aménagement du clapet à marée pour faciliter la colonisation des anguilles. Le principe consiste à réaliser des ouvertures du clapet jusqu'à 20 cm selon les coefficients de marée à l'aide d'une poulis et d'un ridoir. Aménagements réalisés sur les clapets à marée du ruisseau Penmarc'h - Source : S. Guichard, Ouesco |
En savoir plus sur la gestion des ouvrages :